La garantie de l’emploi promise par le statut de fonctionnaire perd son pouvoir d’attraction

10/12/2024

Dans son rapport consacré au défi de l’attractivité dans la fonction publique, publié ce lundi 9 décembre, France Stratégie identifie la réinterrogation du statut comme l’un des leviers à actionner pour reconstruire l’attractivité du secteur.

Et si le statut de fonctionnaire et la protection qu’il permet ne suffisaient plus à attirer les candidats, surtout les plus jeunes, vers la fonction publique ? C’est en tout cas une petite musique que l’on entend depuis plusieurs années et que France Stratégie fait aussi résonner dans son rapport consacré à l’attractivité du secteur.

L’organisme de réflexion rattaché à Matignon invite plus précisément à réinterroger le statut de fonctionnaire en trouvant un équilibre entre les avantages et les inconvénients qu’il présente. Et d’ajouter que les spécificités du statut et des carrières dans la fonction publique ont, en partie, perdu de leur attrait dans la mesure où elles se sont détériorées par rapport aux évolutions du secteur privé, et qu’elles ne constituent plus non plus une motivation centrale.

La garantie de l’emploi, argument relatif

“L’image – en partie déformée – de la fonction publique conduit parfois à aggraver la perception des contraintes ou, au contraire, à minimiser les avantages, pourtant réels à la rejoindre”, peut-on lire dans le rapport. France Stratégie souligne également que la garantie de l’emploi est devenue un argument très relatif, même s’il a longtemps été l’un des avantages comparatifs majeur de la fonction publique. L’organisme rappelle que si elle reste une motivation importante, en particulier pour les populations les plus vulnérables sur le marché du travail, elle perd de son pouvoir d’attraction dans les secteurs en tension, comme les métiers du soin ou du numérique, alors que le taux de chômage y est redescendu à des niveaux rarement atteints depuis quarante ans.

Selon les chercheurs Henri Bergeron et Patrick Castel, auditionnés par France Stratégie, l’accumulation de sombres nuages sur l’avenir commun – crise écologique, remise en cause des démocraties, guerre en Europe – produit un affaiblissement du contrat social et des espérances. “On se projette moins dans l’avenir quand on estime ce dernier incertain et l’on préfère se réfugier dans le présent, expliquent-ils. Pour fonctionner, le contrat de travail doit être associé à un contrat social. En ce sens, cette tendance crée du désengagement réduisant la perspective d’un avenir commun. Ainsi, le statut de fonctionnaire fondé sur l’emploi à vie, au profit du bien commun, souffrirait particulièrement de cette détérioration et limiterait la projection des plus jeunes vers ces emplois en les conduisant à privilégier des contrats plus courts.”

Crainte d’un emploi “statique”

Mais les fluctuations de l’emploi n’expliquent pas à elles seules l’affaiblissement du pouvoir d’attraction de la fonction publique. France Stratégie rappelle que la crise économique de 2008 et le rebond du chômage consécutif n’avaient d’ailleurs pas suffi à le relancer. Dans ce contexte d’inquiétude sur l’avenir et de mutations rapides, le rapport pointe également qu’une association est parfois faite dans les esprits entre un “emploi stable” et un “emploi statique”, où l’on serait condamné à toujours occuper le même, notamment parmi les jeunes étudiants qui voient les métiers de la fonction publique comme “peu évolutifs et sans perspectives de carrière”.

Les jeunes travailleurs seraient plus souvent enclins à embrasser des opportunités de carrière flexibles plutôt que de s’attacher à un seul employeur sur le long terme. “L’idée de sécurité de l’emploi et de la sécurité garantie par le statut serait donc moins prioritaire, mais plutôt perçue comme un risque dans un contexte économique en constante évolution”, souligne le rapport.

Autre élément constitutif du statut de fonctionnaire et perçu comme peu attractif : les concours. France Stratégie souligne ainsi que certains viviers de candidats interrogés dans le cadre du rapport considèrent que les concours apparaissent souvent comme trop déconnectés de la réalité des métiers visés et trop sélectifs au regard des avantages qu’ils procurent. Ils se révèlent selon eux particulièrement inadaptés aux reconversions professionnelles, en particulier quand ils sont suivis d’une mobilité géographique contrainte.

Source : Acteurs Publics